L’année 2025 est marquée par une instabilité économique persistante. Dans ce contexte, plusieurs entreprises se questionnent sur leurs approches salariales : comment maintenir une rémunération compétitive, tout en préservant la capacité financière de l’organisation?
Et si l’on sortait de la logique binaire : augmentation salariale ou gel? Et si l’on envisageait une structure incitative plus souple, qui permettrait un meilleur alignement entre les résultats organisationnels et la reconnaissance offerte aux employés?
Il ne s’agit pas d’opposer rémunération fixe et bonification. Les deux dimensions sont complémentaires : la rémunération de base assure la stabilité, tandis que la rémunération variable permet une reconnaissance plus directement liée aux résultats.
Pourquoi envisager un programme de rémunération incitative ?
Avant d’intégrer des mécanismes incitatifs, il est essentiel de s’assurer d’une base salariale saine : une rémunération équitable, compétitive et bien positionnée par rapport à la stratégie choisie. Sans cela, l’ajout de bonification pourrait être perçu comme une manière de compenser un désalignement plus fondamental, ce qui nuirait à la crédibilité du programme.
Dans notre article précédent, « Établir une stratégie de rémunération alignée avec la capacité financière de l’entreprise », nous avons exploré des avenues pour maintenir l’attractivité de votre offre de rémunération globale sans dépendre exclusivement de l’alignement strict à la médiane du marché.
Dans un contexte économique incertain, certaines organisations cherchent à limiter leurs coûts fixes tout en maintenant l’engagement des équipes. La rémunération incitative peut représenter une piste intéressante, en instaurant un modèle de partage des résultats : la reconnaissance est liée à la performance collective, favorisant ainsi la responsabilisation des équipes et la transparence.
Cela dit, un programme mal calibré peut engendrer des effets contre-productifs. Il est donc essentiel que les objectifs soient mesurables, atteignables et directement influençables par les équipes concernées. L’équilibre entre reconnaissance juste et comportements alignés constitue la clé de la réussite.
Favoriser une approche collective de la rémunération variable
Traditionnellement, la rémunération variable repose sur la performance individuelle. Or, les organisations ont avantage à explorer des modèles collectifs, surtout lorsque les résultats dépendent d’un effort d’équipe ou d’une synergie interdépartements. Ces régimes peuvent être à court terme (par exemple, sur un cycle annuel) ou à plus long terme, souvent alignés avec le cycle de planification stratégique.
Parmi les programmes à court terme, les plus courants sont :
- la participation aux bénéfices, qui redistribue une portion des gains réalisés;
- la bonification cible, accordée sur la base d’objectifs définis.
À long terme, on retrouve des dispositifs comme :
- les régimes d’octroi ou d’achat d’actions;
- les droits à la plus-value;
- la bonification cible, avec mécanique de paiement différés;
- les régimes supplémentaires de retraite.
Ces programmes à long terme sont plus fréquemment offerts aux cadres supérieurs.
Aligner la rémunération sur les objectifs stratégiques
La rémunération incitative ne sert pas qu’à récompenser. C’est aussi un outil de pilotage organisationnel. Lorsqu’elle est bien conçue, elle oriente les comportements des employés vers les priorités de l’organisation.
Prenons un exemple concret : si la conquête de parts de marché et la satisfaction client sont des priorités stratégiques, un programme de rémunération incitative basé sur ces indicateurs peut encourager les employés à adopter des comportements alignés avec ces objectifs. Ce type de programme permet aussi de partager le risque financier avec les équipes : plutôt que d’accorder des augmentations fixes qui alourdissent durablement la masse salariale, l’organisation choisit de reconnaître les efforts lorsque les résultats sont au rendez-vous. Ainsi, en période de performance plus faible, les coûts sont contenus. Et lorsque l’entreprise atteint ses cibles, les employés bénéficient directement du succès collectif.
Structurer efficacement son programme de rémunération incitative
1- Diversifier les indicateurs de performance
Il est essentiel d’évaluer plusieurs indicateurs pour éviter que les employés ne concentrent leurs efforts sur un seul aspect, au détriment d’autres facteurs clés. Par exemple, dans une équipe de ventes, une rémunération incitative basée uniquement sur le chiffre d’affaires pourrait encourager la maximisation des volumes au détriment des marges de profit ou de la satisfaction client.
2- Définir des seuils et des déclencheurs clairs
Un programme efficace repose sur des indicateurs bien définis, assortis de seuils minimaux (déclencheurs). Si ces seuils ne sont pas atteints, la bonification peut être annulée. De plus, l’ajout de facteurs multiplicateurs permet de récompenser des performances exceptionnelles ou de limiter les bonus lorsque les résultats sont simplement satisfaisants. Pour être en mesure d’identifier ces seuils et les facteurs multiplicateurs, il est essentiel d’évaluer l’effort requis pour atteindre ou dépasser les objectifs. Plus l’effort est grand, plus la reconnaissance devrait être significative.
3- Adapter les objectifs par département
Pour que l’engagement soit réel, les employés doivent percevoir un lien direct entre leurs actions et les résultats visés. D’où l’importance de décliner les objectifs stratégiques en cibles opérationnelles par département.
Les bonnes pratiques pour assurer l’équité et la pérennité du programme
Si la rémunération incitative présente de nombreux avantages, il est crucial d’en garantir la viabilité. Cela passe notamment par :
- des simulations et tests de scénarios, pour éviter qu’un facteur multiplicateur excessif ne génère des coûts imprévus;
- une prise en compte de l’équité salariale, en conformité avec les obligations légales et les bonnes pratiques d’équité interne. Une approche pertinente consiste à définir un pourcentage cible de rémunération incitative selon les catégories d’emploi;
- une transparence dans l’implantation, afin que les employés comprennent les mécanismes de calcul des primes et puissent s’y engager pleinement;
- une cohérence avec le modèle d’affaires de l’organisation, afin d’assurer que les comportements encouragés soutiennent véritablement les priorités stratégiques.
Conclusion
La rémunération incitative peut devenir un véritable levier de gestion en période d’incertitude, à condition d’être bien calibrée, transparente et alignée avec les objectifs de l’organisation.
Elle ne remplace pas une structure salariale saine, elle la complète. En permettant de maîtriser les coûts fixes en période de ralentissement et de récompenser les efforts collectifs lorsque la performance est au rendez-vous, elle instaure un modèle de reconnaissance plus souple et résilient.
Utilisée judicieusement, la rémunération incitative favorise l’engagement, renforce l’attractivité et contribue à la santé financière de l’organisation. Un outil stratégique à considérer pour traverser les cycles économiques… avec agilité et cohérence.