Il n’y a pas une journée qui passe sans que les journaux ne parlent de gouvernance dans les conseils d’administration des sociétés : l’Association de protection des épargnants et investisseurs et la Coalition canadienne pour la bonne gouvernance, quand ce n’est pas l’Autorité des marchés financiers ou la Bourse de Toronto, se succèdent tour à tour pour donner leur point de vue.
L’une des règles de gouvernance dont on parle le moins est la souscription d’une assurance de la responsabilité des administrateurs. Cette assurance devrait être la première condition fixée par une personne avant d’accepter de siéger au conseil d’une compagnie ou d’un organisme sans but lucratif.
Ne pas confondre l’assurance de la responsabilité personnelle d’un administrateur avec l’assurance de la responsabilité d’une compagnie pour ses produits, ses services ou ses travaux
Certains administrateurs pourraient se croire à l’abri des poursuites personnelles si leur entreprise est incorporée : il existe cependant plusieurs motifs où l’on peut soulever le « voile corporatif » pour reprocher personnellement à un administrateur la faute de sa compagnie. En effet, le Code civil du Québec interdit d’opposer le fait qu’on est incorporé à une personne de bonne foi quand on cherche à masquer la fraude, l’abus de confiance ou un délit contre l’ordre public. Ainsi, on peut poursuivre personnellement un ou des administrateurs pour un délit contre l’ordre public commis par l’entreprise. Voilà qui devrait une fois pour toutes mettre fin à la croyance de certains des administrateurs qu’ils n’engagent pas leur responsabilité personnelle.
Et il n’y a pas que le Code civil qui traite de la responsabilité des administrateurs : les lois des compagnies, qu’il s’agisse de compagnies incorporées au Québec ou au Canada, fixent d’importantes règles au sujet de la responsabilité personnelle des administrateurs d’entreprise. Ces lois leur imposent le devoir d’agir de bonne foi, avec le soin, l’habileté et la diligence qu’une personne raisonnablement prudente exercerait dans les mêmes circonstances. On admet cependant que de par leurs fonctions, les administrateurs prennent des risques d’affaires et ils sont souvent encouragés à le faire pour accroître le patrimoine de la société. Pour évaluer leur responsabilité, les tribunaux ne substitueront pas leur jugement à celui de l’administrateur poursuivi : ils étudieront plutôt s’il a pris sa décision en étant bien informé, en agissant de bonne foi et en ayant la conviction d’agir dans les meilleurs intérêts de la compagnie. Ces derniers mots sont importants : les administrateurs doivent agir dans les meilleurs intérêts de l’entreprise; ils doivent donc éviter les conflits d’intérêts où ils préféreraient leur avantage personnel au détriment du bien de l’entreprise.
Il existe d’innombrables cas où un administrateur s’engage personnellement
En cas de faillite, un administrateur sera lui-même redevable du défaut de payer les salaires, vacances ou indemnités de départ ou de remettre aux Ministères du Revenu les déductions à la source, la taxe de vente ou la taxe sur les produits et services, du versement de dividendes ou de l’octroi d’un prêt entraînant l’insolvabilité de l’entreprise, d’une violation aux lois de l’environnement, de la discrimination, d’un congédiement illégal, d’erreurs ou omissions dans les pratiques d’emploi, etc.
Une fois que l’on sait que les employés, les actionnaires, les fournisseurs, les clients, les concurrents, les créanciers, les franchisés, la société mère et les gouvernements peuvent intenter des procédures, on n’a d’autres choix que de chercher à se protéger. Au premier chef, on verra à souscrire une assurance responsabilité des administrateurs adéquate, mais aussi à la compléter par un règlement d’indemnisation des administrateurs avantageux et une convention unanime d’actionnaires. Et, pour éviter d’être tenu responsable, on s’attardera à vérifier la justesse de l’information donnée, particulièrement les résultats financiers, à dénoncer ses conflits d’intérêts et à prendre connaissance des décisions prises en son absence.
L’assurance de la responsabilité des administrateurs répond aux poursuites en responsabilité contre les administrateurs et dirigeants d’entreprises, seuls ou conjointement avec l’entreprise
Elle a aussi pour but de rembourser la compagnie si, en vertu de la loi, d’une convention ou d’un règlement, elle a le devoir ou le droit d’indemniser ses administrateurs et dirigeants des frais et dépenses engagés à l’occasion de poursuites.
Communément appelé D&O, pour Directors and Officers, une police d’assurance des administrateurs et dirigeants prévoit une indemnisation en cas d’acte dit répréhensible, c’est-à-dire une faute, une erreur ou une omission, d’un administrateur ou dirigeant dans l’exercice de ses fonctions.
La plupart des polices d’assurance des administrateurs inclut, en plus des frais de défense en cas de poursuites civiles et les dommages et intérêts en cas de condamnation, les frais de défense à des accusations de nature pénale contre des administrateurs et dirigeants en raison de l’exercice de leur charge, ou même les frais de défense devant des tribunaux administratifs ou des commissions d’enquête.
Il serait opportun d’inscrire à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil d’administration la souscription d’une assurance de la responsabilité des administrateurs.